Le collectif CVMIE-Guéret au travail:
(Le Collectif de Vigilance Méthanisation Industrielle – Engie – Guéret s’est constitué suite au recours déposé avec l’aide d’un avocat spécialisé au tribunal administratif de Limoges)
Point d’étape:
Essayons de comprendre:
On accuse le monde agricole et les éleveurs de bovins de participer au réchauffement climatique à cause de la production de méthane par les bovins et certains prônent la réduction de l’élevage bovin.
Mais Engie Biogaz a une meilleure idée et envisage de recycler les effluents d’élevage, c’est à dire le fumier et le lisier, pour produire du méthane qui sera injecté dans le réseau de gaz de la ville de Gueret.
Quelle excellente idée de construire un méthaniseur industriel à l’heure où il est question de remplacer à tout prix les énergies fossiles.
Mais pour produire du méthane en quantité il faudra beaucoup de fumier et de lisier, donc beaucoup de bovins.
Mais il paraît que le lisier est peu methanogène et pour produire du méthane il faut aussi de la biomasse, c’est à dire de la matière sèche.
Donc pour nourrir un méthaniseur industriel (c’est un vorace, il ne s’arrête jamais) il va falloir, en plus, lui apporter des végétaux d’origine diverses: de la paille, des cultures qu’on appellent des CIVE (Culture Intermédiaire à Valorisation Énergétique) et même du maïs qui est très méthanogène, mais aussi des déchets d’origines diverses provenant de l’industrie agroalimentaire. (Certains méthaniseurs reçoivent en plus des matières stercoraires).*
Est ce une aubaine pour les agriculteurs qui vont peut être devoir choisir entre nourrir le bétail ou nourrir le méthaniseur. Vont ils devenir des « énergiculteurs » ?
Mais ce sont nos craintes…et grâce au méthaniseur les agriculteurs n’auront plus besoin d’acheter des engrais qui coûtent de plus en plus chers. Ils pourront épandre le digestat (c’est ce que le méthaniseur rejette une fois qu’il a tout avalé, le résidu en quelque sorte!) et plus particulièrement le fameux digestat liquide qui devient une matière fertilisante et qui est très riche en azote minéral, donc facilement assimilable par les plantes.
Le seul bémol c’est que ce digestat est aussi très riche en azote ammoniacal qui est très volatil et nécessite des techniques d’enfouissement très sophistiquées qui génèrent des couts supplémentaires. L’ammoniac (NH3), n’est pas un gaz à effet de serre mais un précurseur de particules fines, qui participe à la pollution de l’air et qui est à l’origine de nombreuses pathologies (asthme, allergies, maladies respiratoires ou cardiovasculaires…)
L’ammoniac fait en général parler de lui au printemps, en étant à l’origine des pics de particules fines consécutifs aux épandages de sortie d’hiver. Les pics ménagent peu de doute quant à leur origine agricole puisque l’agriculture est responsable de 94% des émissions d’ammoniac.
Bon si ce n’était que ça…mais il y’a aussi la question de la qualité du digestat qui est fonction des intrants d’origine diverses; surtout lorsqu’ils viennent de diverses exploitations, une dizaine voir plus.
La crainte justifiée, étayée, de l’amplification des risques sanitaires est bien connue: comme la propagation de certaines maladies telle la tuberculose bovine que l’on pensait éradiquée, le botulisme qui inquiète car connaît une recrudescence depuis mai 2020 et la fièvre Q qui est pointée du doigt car très répandue dans les élevages. Ainsi le retour au sol des digestats sur des cultures ou des pâturages peut conduire à une dissémination des agents pathogènes dans l’environnement agricole et contaminer les animaux d’élevages et l’homme.
Rien que ça…. Sans parler du rôle majeur joué par certains agents pathogènes dans la dissémination de l’antibiorésistance » et la capacité de certaines bactéries à résister aux antibiotiques. « L’antibiorésistance est un grave problème de santé publique mondiale, qui progresse extrêmement rapidement, et qui s’accélère », écrivait en mars 2022 le ministère de la Santé.
Que produit ce brassage d’ingrédients d’origines et de qualité variées ? Pour le moment c’est à l’étude, alors en attendant que les études soient menées, on continue d’épandre du digestat sur les terres agricoles sans en maîtriser les risques.
Le principe de précaution n’est donc pas appliqué. Faudra t’il attendre d’en faire les frais pour que les pouvoirs publics réagissent?
C’est pourtant pour éviter une dissémination dans les élevages que l’administration est très prudente sur le sujet et un garde-fou a bien été fixé par la réglementation.
Pour éliminer les agents pathogènes, les matières stercoraires, lisiers et fumiers doivent être hygiénisés, c’est-à-dire chauffés à 70 °C pendant une heure.
Mais (le diable se cache dans les détails c’est bien connu) certains agents pathogènes résistent à cette chaleur et surtout de nombreuses dérogations existent. En effet l’hygiénisation n’est obligatoire qu’au-delà de 30 000 tonnes par an de matières, animales et végétales, consommées par un méthaniseur ou si plus d’une dizaine de fermes fournissent des déchets.
Bien que la dimension du méthaniseur soit en capacité de traiter plus de 30000 tonnes par an et plus de 100 tonnes par jour, le dossier déposé en préfecture par ENGIE Biogaz annonce moins de 30000 tonnes par an, ce qui permet à l’exploitant de déposer seulement une demande d’enregistrement auprès des pouvoirs publics et de bénéficier ainsi de la dérogation en matière d’hygiénisation, contournant ainsi la question des risques sanitaires….
Dominique Guinot membre du CVMIE
* Matières stercoraires: contenu des panses et intestins en provenance des abattoirs, non destinée à la consommation humaine